Écoutez-moi bien, bande de snobs. Victor Man n’est pas un artiste que l’on aborde à la légère, comme on le ferait pour une exposition de peintures florales dans une galerie de quartier. Son univers pictural sombre et mystérieux exige une attention particulière, une disponibilité à se perdre dans ses labyrinthes visuels où l’identité humaine se fragmente et se recompose en tableaux énigmatiques qui refusent la lecture directe.
Né en 1974 à Cluj, Roumanie, Victor Man a émergé sur la scène artistique internationale au moment où l’Europe de l’Est commençait à s’affirmer dans le monde de l’art contemporain post-chute du Mur. Découvert largement en 2007 lors de la Biennale de Venise, son travail explore depuis vingt ans les obsessions virtuoses d’une peinture de représentation qui questionne autant qu’elle affirme. Mais ne vous attendez pas à des explications faciles, Man cultive l’ambiguïté comme d’autres cultivent leur jardin.
Sa peinture évoque un crépuscule persistant, un entre-deux où les formes émergent dans une palette réduite de noirs, de bleus profonds et de verts sombres. On pourrait parler d’une esthétique du mystère, mais ce serait trop simple. C’est plutôt une archéologie visuelle où chaque couche révèle autant qu’elle dissimule, où la mémoire collective et personnelle s’entremêlent dans un jeu de références constantes.
L’artiste roumain pratique un art du détournement subtil, prélevant des images de sources diverses, médias, histoire de l’art, culture populaire, pour les vider de leur signification première. Comme il l’explique lui-même : “J’utilise souvent des images qui ont une certaine signification spécifique dans les médias. Les vider signifie que je ne les choisis pas pour leur ‘valeur’ mais pour leur potentiel représentatif en tant qu’images, afin de construire un nouveau contenu avec elles” [1]. Ce processus de décontextualisation crée un univers visuel où le spectateur est confronté à des fragments narratifs incomplets, à des histoires interrompues qui stimulent l’imagination sans jamais la satisfaire pleinement.
Lors de sa première exposition personnelle aux États-Unis, intitulée “Black Hearts Always Bleed Red”, Man a déployé cette stratégie avec une efficacité redoutable. Les installations, composées principalement de peintures et d’impressions sur acétate dans des gris atmosphériques, flottaient sur les murs comme des reliques de sociétés secrètes, déconnectées et à la dérive dans les espaces blancs de la galerie, imperméables au regard du spectateur. En d’autres termes, les images de Man ne sont pas dépourvues d’histoire, mais elles refusent de la révéler. La plupart sont appropriées à partir de sources médiatiques, choisies pour “provoquer le spectateur à chercher sa propre reconnaissance” et pour leur potentiel à s’influencer mutuellement, une stratégie qui rompt avec les récits antérieurs qui pourraient s’attarder dans l’image individuelle [2].
Le style pictural de Man est doux et subtil, évoquant les images similairement oniriques de Luc Tuymans. Pour les deux artistes, de fines couches de peinture atténuées effleurent la matière de la toile, de sorte que le sujet reste intégré dans sa propre surface éthérée. Cependant, le travail de Man refuse la définition qui place les sujets de Tuymans dans un récit historique plus vaste. Au lieu de cela, il frappe précisément au point où le sens commence à se cristalliser [3].
Cette tension entre révélation et occultation traverse toute l’oeuvre de Man. Elle rejoint ce que Jacques Lacan, dans son essai présenté au 16e Congrès de l’Association Psychanalytique Internationale en 1949, identifiait comme le moment fondateur de la formation du moi dans le reflet du miroir. L’identité, telle que Lacan la comprenait, naissait dans la reconnaissance de l’image comme étant soi-même. Pour l’essentiel, la représentation de la forme humaine dans l’art a suivi le même modèle : en jouant le rôle du miroir, l’oeuvre d’art rejoue le moment de reconnaissance dans un échange qui, en fin de compte, rassure le spectateur [4].
La psychanalyse lacanienne nous offre une clé de lecture pertinente pour aborder l’oeuvre de Victor Man. Si l’identité se forme dans la reconnaissance de l’image spéculaire, que se passe-t-il lorsque cette image est fragmentée, obscurcie, rendue partiellement invisible ? Les figures humaines dans les peintures de Man sont souvent décapitées, masquées ou partiellement visibles, comme dans la série “The Chandler” (2013), où une femme dont la tête a été délibérément coupée de la partie supérieure du tableau tient une tête, vraisemblablement la sienne, sur ses genoux, en modifiant subtilement sa position dans d’énigmatiques variations dans d’autres peintures. Man étend cette tradition surréaliste de l’acéphale à des hauteurs tout aussi sinistres qui se déploient dans des oeuvres similaires comme “Untitled” (2012), où la tête d’un jeune homme est en grande partie couverte par le poing sur lequel elle s’appuie, un poing qui sert également de socle à un crâne noir qui empêche partiellement le jeune homme de voir au-delà [5].
Cette perturbation de l’image spéculaire crée une fissure dans le processus d’identification, un espace où l’identité devient instable, fluide, ouverte à de multiples interprétations. C’est précisément dans cet espace que réside la puissance du travail de Man, non pas dans l’affirmation d’une identité fixe, mais dans l’exploration des possibilités infinies qui s’ouvrent lorsque l’identité est remise en question.
Mais la psychanalyse n’est qu’une des nombreuses couches de lecture possibles de l’oeuvre de Man. Son tropisme heideggérien n’est sans doute pas anodin, considérant l’existant comme un “être jeté là” sur un plan horizontal dont le parallélisme avec les autres sous-tend un décalage, cette fois vertical, de sa ligne d’horizon. Les silhouettes et les visages se chevauchent, s’accordent et se multiplient dans les traits d’autres que la mémoire confond, d’une manière certainement moins involontaire qu’attendue. La tentation surgit de reconstituer un héritage mental et personnel en invitant le spectateur à plonger dans les couches de représentations, à lire derrière les ombres et devant les voiles les multiples mélanges qui font de chacune des figures, de chacun des souvenirs de l’artiste, une chimère qui continue à hanter le présent [6].
La philosophie existentialiste de Martin Heidegger, avec son concept d’être-au-monde et son analyse de l’angoisse comme révélateur de notre condition fondamentale, trouve un écho visuel dans les peintures de Man. Les figures solitaires, plongées dans des atmosphères crépusculaires, incarnent cette condition existentielle où l’être humain est confronté à sa finitude et à l’absurdité de son existence. Mais contrairement à Heidegger, Man ne cherche pas à résoudre cette angoisse existentielle, il l’explore, la dissèque, la transforme en expérience esthétique.
Les oeuvres de Man sont imprégnées d’une atmosphère sombre empreinte de mélancolie, dans laquelle se mêlent des préoccupations sous-jacentes associées à l’identité personnelle, à la mémoire collective et au sacré, ainsi qu’à la violence, au mystique et à l’érotique [7]. Cette complexité thématique se traduit par une approche picturale qui défie les catégorisations faciles. Son style, complexe et difficile à catégoriser, révèle de nombreuses références à l’histoire de l’art tout en représentant simultanément une position unique dans la peinture contemporaine.
Prises une par une ou dans leur ensemble, les oeuvres de Victor Man libèrent des bribes d’histoires inachevées, suscitant les libres associations des spectateurs et provoquant une certaine désorientation. Comme l’explique l’artiste lui-même : “J’évite de donner un statut définitif à mes oeuvres. J’aime l’idée de pénétrer doucement les choses et de garder une certaine distance. Si les choses deviennent trop explicites, j’ajoute un autre élément qui bouleverse leur cohérence” [8]. Cette ambiguïté est apparente dans la relation de Victor Man aux images qui servent de points de départ à ses oeuvres. Retirées de leur contexte, ces images sont “vidées” de leur signification initiale et prennent d’autres niveaux de signification plus subliminaux.
Mais ne vous y méprenez pas, ce refus du sens explicite n’est pas un geste nihiliste. C’est plutôt une invitation à une forme d’attention plus profonde, plus engagée. Comme l’a noté Neville Wakefield dans son entretien avec l’artiste pour Flash Art : “C’est intéressant ce qui est contenu dans une signature, la quantité d’informations. Je pense à la façon dont l’identité artistique est condensée. La façon dont peut-être les gens comprennent l’oeuvre de Victor Man comme appartenant à, ou étant représentative d’un certain type de peinture ou d’un certain type d’installation. C’est intéressant dans quelle mesure toutes ces informations sont contenues dans la signature, même lorsque la signature est un style” [9].
Cette idée de signature comme style est particulièrement pertinente pour comprendre l’oeuvre de Man. Sa palette sombre, ses figures fragmentées, ses références cryptiques à l’histoire de l’art et à la littérature constituent une signature visuelle immédiatement reconnaissable. Mais cette signature n’est pas une simple marque personnelle, c’est un langage visuel complexe qui permet à l’artiste d’explorer des questions fondamentales sur l’identité, la mémoire et la représentation.
L’exposition “The Lines of Life” au Städel Museum de Francfort, qui présente une vingtaine d’oeuvres de l’artiste roumain des dix dernières années, est dédiée au focus artistique de Man : les portraits. Dans des verts, bleus et noirs profondément sombres, il crée des portraits aussi sensibles qu’énigmatiques, dominés par un ton existentialiste, sombre et introspectif. Des influences subtiles de la pré-Renaissance, denses de métaphores, émergent dans l’imagerie mélancolique de Man [10]. Ces portraits ne sont pas des représentations fidèles de personnes réelles, mais plutôt des explorations de la condition humaine, des méditations visuelles sur ce que signifie être un sujet dans un monde où les certitudes s’effondrent.
Le titre de l’exposition, “The Lines of Life”, est une citation du poème de Friedrich Hölderlin “To Zimmer” (1812) et fait référence au lien étroit de Victor Man avec la poésie et la littérature. Ces références, ainsi que les liens avec sa propre réalité de vie, se retrouvent régulièrement dans sa peinture, par exemple, les individus représentés dans les portraits de la partie principale de l’exposition proviennent de son environnement familial et de son cercle d’amis. Plongés dans des scénarios principalement sombres et avec un regard contemplatif, les modèles sont enveloppés d’une lourdeur existentielle. Les peintures témoignent d’une exploration intense de l’existence humaine et parlent de l’ambivalence poétique et tragique de la vie [11].
Cette dimension littéraire et poétique est essentielle pour comprendre l’approche de Man. Ses tableaux fonctionnent comme des poèmes visuels, où chaque élément est chargé de significations multiples qui résonnent entre elles. Comme dans la poésie, le sens n’est pas donné directement mais émerge progressivement, à travers un processus d’interprétation actif qui implique le spectateur dans la création du sens.
Je vois en Victor Man un artiste qui renouvelle la peinture figurative contemporaine en la plongeant dans les eaux troubles de l’inconscient collectif. Sa technique picturale, d’une précision presque chirurgicale malgré l’obscurité qui baigne ses compositions, témoigne d’une maîtrise du médium qui va bien au-delà de la simple virtuosité technique. Chaque coup de pinceau participe à la construction d’un univers cohérent, où le visible et l’invisible s’entremêlent pour créer une expérience visuelle qui défie nos habitudes perceptives.
Le travail de Victor Man interroge depuis vingt ans les obsessions virtuoses d’une peinture de représentation. La galerie Max Hetzler a présenté la première exposition personnelle de l’artiste dans son espace parisien [12]. Sans mot d’introduction, préférant utiliser un texte de Georg Trakl à toute description de son travail, Victor Man maintient le mystère en ancrant dans la tradition et les références historiques la dissonance de son univers, où ajouts et transformations se fondent en personnages divisés [13]. Cette stratégie du mystère n’est pas un simple artifice marketing, c’est une position esthétique et éthique qui refuse la simplification excessive et la consommation rapide de l’art à l’ère de la surproduction d’images.
Si la dimension spirituelle émerge au premier plan, la chair, le teint sont néanmoins tout aussi prégnants dans son travail, témoignant d’une pensée plus proche de la poésie, plus ouverte à l’image, au langage, qu’enfermée dans le mystique. L’enfermement, cependant, est toujours une question avec cet artiste, peu enclin à la publicité, fondamentalement marqué, dans son adolescence, par la figure de Van Gogh ; une impasse libératrice dans les années de la chute de l’Union soviétique, alors que son pays vivait une révolution en 1989 [14]. Cette référence biographique éclaire l’oeuvre de Man sous un angle nouveau, sa prédilection pour les atmosphères sombres et mélancoliques peut être lue comme une réponse aux bouleversements historiques et politiques qui ont façonné sa jeunesse.
Renversant le paradigme du symbolisme tout en puisant dans son répertoire, le décalage de Victor Man s’illustre par un renversement essentiel ; subvertir la transmigration des organes à celle des âmes. Par la rencontre des corps, la puissance des objets, la chair devient un réceptacle d’attributs qui pèsent sur elle et peuvent être lus non plus dans le secret du regard, dans l’invisible gravité de l’émotion, mais dans le déséquilibre que la mémoire fait supporter, dans cet avènement du “bancal” contaminant, à travers la perception, notre propre posture dans le monde [15].
Cette idée de contamination perceptive est déterminante pour comprendre l’impact de l’oeuvre de Man sur le spectateur. Ses peintures ne sont pas simplement des objets à contempler à distance, elles nous impliquent, nous déstabilisent, nous obligent à reconsidérer notre propre position dans le monde. Comme l’a noté le critique et commissaire Mihnea Mircan dans son essai “Eyes Without a Head”, les incisions et dissections spatiales de Man perturbent la construction de la régularité perspectiviste : elles révèlent son artifice par un autre artifice [16].
Suivant l’argument de Stephanie Boluk et Patrick LeMieux, l’anamorphose unit l’étrangeté ultime de la matérialité de la peinture et des mathématiques de la perspective elle-même, indiquant que les images mimétiques, aussi naturalistes soient-elles, nécessitent un saut cognitif pour résoudre la relation entre un système mathématique de rendu et la vision incarnée. La perspective est une méthode mathématique non naturelle de simulation de la lumière plutôt qu’un modèle pratique de vision. En niant explicitement la position de visualisation “correcte” devant une toile, et dans le cas de Man, l’élucidation de ce qui est représenté, l’anamorphose exclut la possibilité d’aligner pleinement le regard humain sur les paramètres géométriques d’une image [17].
Cette utilisation de l’anamorphose comme principe structurant de l’oeuvre place Man dans une longue tradition d’artistes qui ont exploré les limites de la représentation visuelle. De Hans Holbein à Marcel Duchamp, en passant par Salvador Dalí, l’anamorphose a été utilisée comme un moyen de remettre en question notre perception du monde et de révéler les conventions qui régissent notre compréhension de la réalité. Mais Man va plus loin en combinant cette technique avec une exploration des zones obscures de la psyché humaine, créant ainsi un art qui est à la fois intellectuellement stimulant et émotionnellement troublant.
Le critique d’art Tom Morton a qualifié Man de “shape shifter” (métamorphe), soulignant sa capacité à transformer constamment son approche tout en maintenant une cohérence stylistique reconnaissable [18]. Cette métamorphose constante n’est pas un signe d’indécision ou de manque de direction, mais plutôt une stratégie délibérée pour éviter la fossilisation artistique et maintenir l’ouverture qui caractérise son travail.
Les oeuvres de Man capturent des atmosphères, n’offrant au spectateur que des pistes ambiguës et vagues, le laissant dans le flou. Elles rendent également une mémoire d’images et d’objets composée de différentes couches de temps, qui semble osciller entre disparition et réminiscence. La poétique très personnelle de Victor Man et la diversité illustrative de sa production tracent les contours d’un monde artistique dans lequel des faits historiques et des impressions subjectives provenant de différents mondes et périodes sont ancrés [19].
Victor Man a une préférence pour la peinture dans des couleurs sombres, qui nous rappelle les peintres paysagistes du 18e siècle, qui utilisaient des miroirs noirs, également connus sous le nom de “miroirs de Claude”, pour transformer les couleurs en nuances de gris. Cette technique crée un effet de distanciation qui place le spectateur dans une position d’observateur détaché, renforçant ainsi le caractère énigmatique et introspectif de ses oeuvres.
Le travail extrêmement méticuleux de Man joue avec les symboles et glisse de nombreux pièges dans ses interstices qui perturbent la lecture initiale et offrent une peinture qui résiste à l’épreuve de soi et des autres, tentée par le sublime et définitivement contemporaine [20]. Cette méticulosité technique, combinée à une richesse conceptuelle et référentielle, place Man parmi les artistes les plus significatifs de sa génération.
Victor Man apparaît ainsi comme un artiste qui navigue habilement entre tradition et innovation, entre références historiques et sensibilité contemporaine. Son oeuvre, profondément ancrée dans les questions d’identité et de mémoire, offre une réflexion visuelle sur la condition humaine à l’ère de la fragmentation et de l’incertitude. Comme il l’a lui-même déclaré dans son entretien avec Neville Wakefield : “L’oeuvre est davantage comme un miroir ; elle ne peut continuer que tant que vous y regardez. C’est la meilleure chose que ‘tuer le temps’ puisse offrir, son reflet, et vous pouvez toujours vous retourner” [21].
Dans un monde saturé d’images instantanément consommables et immédiatement oubliables, les peintures de Victor Man nous invitent à ralentir, à regarder attentivement, à nous perdre dans leurs profondeurs énigmatiques. Elles nous rappellent que l’art, à son meilleur, n’est pas une simple décoration ou un divertissement, mais une expérience transformative qui nous confronte à nous-mêmes et au monde qui nous entoure, dans toute sa complexité et son ambiguïté.
- Victor Man, Mudam Luxembourg, 2012.
- “Victor Man”, Frieze, édition 2008.
- Ibid.
- Jacques Lacan, “Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je”, 1949.
- Javier Hontoria, “Victor Man”, Artforum, 2013.
- “Victor Man, Galerie Max Hetzler, Point de vue”, Slash-Paris, 2022.
- “Victor Man”, Mudam Luxembourg, 2012.
- Ibid.
- Neville Wakefield, “Victor Man”, Flash Art, 2016.
- “Victor Man : The Lines of Life”, e-flux, 2023.
- Ibid.
- “Victor Man, Galerie Max Hetzler, Point de vue”, Slash-Paris, 2022.
- Ibid.
- Ibid.
- Ibid.
- Mihnea Mircan, “Eyes Without a Head”, in “Victor Man: Luminary Petals on a Wet, Black Bough”, Galeria Plan B, 2016.
- Ibid.
- Tom Morton, “Shape Shifter”, Frieze, 2008.
- “Victor Man”, Mudam Luxembourg, 2012.
- “Victor Man, Galerie Max Hetzler, Point de vue”, Slash-Paris, 2022.
- Neville Wakefield, “Victor Man”, Flash Art, 2016.
















